Airbags Takata : pourquoi les Citroën C3 et DS3 sont-elles à ce point ciblées par le scandale ?

Citroën est touchée plus durement que d’autres marques par la crise Takata en raison d’un cumul de facteurs techniques, logistiques et géographiques. L’ampleur du rappel, la difficulté d’évaluer les risques, et la lenteur de la réponse ont provoqué une crise majeure, dans laquelle le constructeur est sommé de rattraper un retard désormais très visible.
Depuis début 2024, Citroën est empêtré dans le scandale des Airbags Takata. Environ 82.000 Citroën C3 et DS3, produites entre 2009 et 2019, ont été frappées par un "stop drive" à cause de ces airbags jugés dangereux suite à deux accidents mortels. Ces véhicules ne peuvent plus circuler tant que le remplacement de l’airbag conducteur n’est pas effectué.
Une situation qui a poussé le ministre des Transports, Philippe Tabarot, à réagir. "Cet accident pose notamment la question des analyses de risques réalisées par le constructeur", a-t-il relevé dans un communiqué.
Une exposition structurelle plus importante
Pour comprendre pourquoi Citroën est particulièrement touchée, il faut se pencher sur trois facteurs principaux : le type d’airbag utilisé, la période de production, et la géographie des ventes.
"Tous les lots d’airbags Takata ne sont pas concernés de la même manière", rappelle Arnaud Aymé, expert en transports chez Sia Partners. "Les constructeurs n'ont pas forcément monté les airbags incriminés à la même période de temps, or ce sont certains modèles d'airbags plus anciens qui sont concernés", ajoute-il.
Les airbags en cause contiennent un gaz propulseur, du nitrate d'amomnium, qui peut se dégrader avec le temps, sous l’effet de la chaleur et de l’humidité auxquelles l'airbag est exposé. Cette dégradation peut entraîner une explosion de l’airbag au déclenchement, projetant des fragments de métal dans l’habitacle.
"Le vieillissement du gaz est très mal compris par les ingénieurs", note Arnaud Aymé. "On pensait au départ que ce n’était dangereux que sous les tropiques, mais en réalité au fur et à mesure cela s'étend à d'autres zones géographiques".
Si d’autres marques comme Volkswagen, Toyota ou Mercedes-Benz ont déjà procédé à des campagnes de rappel massives, Citroën semble avoir réagi plus tard.
Cela s’explique notamment par la complexité d’évaluer le niveau de risque, comme l’explique Arnaud Aymé : "Ce n’est pas simple de mettre le curseur au bon endroit entre la sécurité des gens et la gêne pour l’automobiliste de ne plus avoir de véhicule".
Une logistique difficile à suivre
Citroën doit faire face à un volume de rappels colossal, difficilement absorbable par son réseau après-vente. Rien que pour les deux modèles Citroën concernés, le chiffre de 200.000 véhicules encore concernés a été évoqué. Pour un constructeur, c’est un flot qu’on ne peut pas affronter rapidement et efficacement.
Le constructeur s’appuie sur le fichier des cartes grises pour contacter les propriétaires. Or, de nombreuses adresses sont obsolètes. "Quand l’adresse postale n’est plus à jour, le courrier revient en NPAI (n’habite pas à l’adresse indiquée), et là c’est fini", tranche Arnaud Aymé.
L’expert espère que la connectivité croissante des véhicules pourra améliorer cette situation à l’avenir : "Quand les véhicules sont connectés, le constructeur peut envoyer un message directement sur l’écran du tableau de bord. Mais aujourd’hui, sur les 31 millions de véhicules en circulation en France, la plupart ne sont pas encore connectés".
"Délicat de mettre le curseur au bon endroit"
La crise met en lumière un dilemme de fond : faut-il tout immobiliser au moindre doute ? "On peut se dire zéro risque, mais dans ce cas, il faut arrêter de vendre des véhicules parce que je rappelle que la voiture tue. Je rappelle juste qu'il y a 3.000 morts par an sur les routes en France et 20.000 en Europe. On ne va pas interdire les voitures pour autant. Donc c'est délicat de mettre le curseur au bon endroit entre notre perception du risque avec ces airbags parce que de l'autre côté il y a la gêne pour l'automobile. Si c'est pour que le véhicule soit immobilisé plusieurs jours ou plusieurs semaines, les Français ne vont pas être d'accord non plus", conlut Arnaud Aymé.