Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Arcelor Mittal va supprimer 600 postes en France, ils seront relocalisés en Inde. Raison invoquée : le manque de compétitivité de la sidérurgie européenne. Il faut surtout y voir une énième alerte sur les contresens de notre transition énergétique
Une tribune parue il y a peu dans le Figaro, sous la plume d'un ingénieur spécialiste de l'énergie et de la transition, Philippe Charlez, synthétise parfaitement le problème. Le secteur de l'acier européen rencontre deux obstacles majeurs - la concurrence chinoise, la baisse de la demande – surtout pour l’ automobile. Mais l'Union européenne a savonné sa planche déjà bien glissante en faisant une de ses cibles privilégiée pour la décarbonation industrielle.
C'est à dire ? Il ne faut pas décarbonner la production d'acier ? C'est un des secteurs industriels les plus émetteurs de carbone !
Bien sûr qu'il faut décarboner la production d'acier ! Mais le yaka ne suffit pas. C'est complexe. Il faut d'abord modifier l’énergie utilisée pour la chauffe, qui reste le plus souvent le charbon. Et dans le coeur des hauts-fourneaux, pour obtenir la réaction de réduction qui aboutit à l'acier, il faut remplacer le charbon par de l'hydrogène. Et l'hydrogène, à produire, est très consommatrice d'électricité.
Mais Arcelor Mittal a essayé ?
1,7 milliard d’euros d'investissement, largement subventionnés par la France et l’UE devaient réduire de 10% les émissions industrielles du groupe en France. Arcelor Mittal explique qu'il ne pourra pas. Parce que pour la production d’acier vert, il faut de l’hydrogène, et que cet hydrogène est inabordable à cause des prix de l’électricité
L’Europe est en pleine contradiction.
L'Europe chante décarbonation sur tous les tons. Mais elle pilote la transition à l'idéologie. Et cela produit les effets inverses de ceux recherchés. Notre électricité est hors de prix, parce que nous dépendons encore du gaz - oui, le refus du nucléaire par l’Allemagne a un prix- parce que l’Europe sur-subventionne les énergies renouvelables, et que le mécanisme de fixation des prix au coût de la dernière unité produite est délirant. L'électricité coûte deux à quatre fois plus cher ici qu’aux Etats-Unis et en Chine. On ne peut techniquement pas produire de l’acier vert compétitif ici.
L’Europe est en pleine pensée magique. Elle subventionne la décarbonation, et, dans le même temps, elle crée un contexte énergétique foutraque, aux coûts somptuaires, ingérable pour les industries qui doivent se décarboner ! Dans le cas Arcelor Mittal, il a le choix de délocaliser sa production ou d'importer de l'hydrogène. Absurde.
Ca fait beaucoup de victimes économiques de l'aveuglement énergétique de l’UE!
La "transition énergétique" européenne est en train de nous coûter l'automobile, l'hydrogène et les batteries, après avoir tué les éoliennes, les panneaux solaires. Au tour de la sidérurgie. Soyons cyniques : c’est une bonne nouvelle ! sa disparition va réduire nos émissions carbone locales ! On importera, mais on sera tout propre. Green washing de compétition. Pour ça l'Europe est imbattable: la baisse des émissions carbone de l’industrie depuis le début du siècle a comme levier principal, la délocalisation.